mardi 31 mai 2011

OLTRE IL CERCHIO DEL CIRCO de Dino FRITTOLI

J'attendais ce livre avec impatience : beau format (23,5 x 30 cm), 184 pages, relié avec jaquette et bien imprimé. Paru en décembre 2010.
Mais je suis très déçu par le travail photographique et sa mise en page. Que l'auteur ait choisi de ne pas présenter le spectacle de l'Embell Riva des frères Bellucci est une approche intéressante : les décors, le fonctionnement de la petite entreprise et les images de ses acteurs ne peut que générer de la sympathie pour ce monde que nous apprécions. C'est vrai que nous découvrons la vie quotidienne de gens comme nous tous : en peignoir, la promenade du bébé, le linge qu'on met à sécher, moments d'attente, repas... Leur métier aussi : répétitions, démontage du chapiteau...
Mais en dehors de quelques portraits, j'ai l'impression que de nombreuses photos manquent de sens. Ne connaissant aucun des personnages on est davantage attentif à ce qui se passe dans l'image, et je trouve qu'elles me laissent vide, sans réaction.
Il est probable que le choix des doubles-pages en est la cause. Je n'aime pas la double page qui est illisible en grand format, en dehors des cahiers cousus qui permettent une lecture à plat. Et encore. Ici, il y a 63 photos en double-page sur 108 images. Pourquoi n'a-t-il pas choisi un format à l'italienne qui respecte la photo horizontale ?
Bref, quelques photos intéressantes ne font pas un livre... 
Les reproductions ci-dessous vous permettront d'apprécier.


Photos trouvées sur son site dinofrittoli.com . Dino FRITTOLI (1968) est photographe professionnel depuis 1988. Il travaille dans la mode.




 Bravo pour la tête coupée !



On trouvera sur son site la possibilité de commander le livre.
Il est aussi disponible aux Pays-Bas, chez Leendert Bedijn : http://circusphotomagazine.blogspot.com

jeudi 26 mai 2011

La Nouvelle Objectivité !

J'ai balancé cette expression reconnue de l'histoire de la photographie dans mon dernier texte... mais je me rends bien compte qu'il faut un minimum de repères pour bien comprendre cet état d'esprit. Et comme toute les histoires de l'art, celle-ci n'est pas simple non plus. C'est pourquoi il faut absolument schématiser (au risque de commettre des erreurs ou d'être simpliste, mais c'est mieux que rien !).

LE PICTORIALISME (fin 19e-1918)
Quand la technique photographique s'est simplifiée, la bourgeoisie s'est emparée de ce médium pour faire "comme les peintres". Photographier est devenu un acte artistique, c'est à dire que l'artiste y met sa sensibilité en transformant la réalité par des artifices : flou, grain épais, clair-obscur, contre-jour... bref, toutes sortes d'atmosphères. On utilise des procédés pigmentaires comme la gomme bichromatée.
Des artistes reconnus comme importants, j'ai retenu deux noms : Robert Demachy (1859-1936) et Edward Steichen (1879-1963). Ci-dessous, deux photographies de ces artistes.
Demachy - 1904

Steichen-1906

L'EXPRESSIONNISME (1918 ? - 1933 arrivée des Nazis au pouvoir : ils l'ont appelé "art dégénéré")
Cette forme artistique est une réaction contre l'impressionnisme. Elle est surtout connue en peinture ("Le cri" de Munch), dans le cinéma allemand de Fritz Lang, dans les théories architecturales du Bauhaus.
Dans cette création artistique, l'intellect montre sa supériorité sur la nature : tout est recomposé, stylisé, on y découvre les états d'âme de l'artiste, on utilise des formes très agressives et des couleurs violentes (en peinture). C'est l'antithèse du réalisme. Il faut déranger le spectateur. N'oublions pas que pendant cette période, le monde est en crise.
En photographie, je vous propose deux noms : Laszlo Moholy-Nagy (1895-1946) et Alexandre Rodchenko (1891-1956).
Moholy-Nagy invente (avec Man Ray) les photogrammes. Il expérimente les photomontages. On est tout proche du surréalisme...
Moholy-Nagy - 1926

Alexandre Rodchenko invente des angles incongrus, des contre-plongées incroyables, des obliques remarquables et parfois des zones d'ombre imposantes. Il fut récupéré par le pouvoir stalinien pour sublimer l'homme nouveau soviétique.
Rodchenko - 1928

LA NOUVELLE OBJECTIVITE (1923-1933)
En photographie, l'idée de cette théorie est de rendre le monde tel qu'il est, en mettant en évidence ses dimensions sociales.
L'appareil photographique de petite taille (le leica) facilitera la discrétion des photo-reporters comme Salomon. C'est l'être humain dans son contexte quotidien qui est devenu important. C'est sûrement dans cet esprit qu'August Sander réalisa sa collection de portraits, faisant ainsi le constat social d'un pays à une époque (l'Allemagne de la République de Weimar).

Avec et après la guerre, il y avait tant à témoigner que le reportage était l'orientation obligée de la photographie. Certains en firent un art : les photographes de Magnum notamment. On parla ensuite de "photographes concernés".
 Werner Bischof (1916-1954) - 1946

Aujourd'hui, en ce qui me concerne, il n'y a que la photographie humaniste qui m'intéresse.
Si vous avez feuilleté mes livres, vous le savez déjà.
Mais la photographie est multiple et chacun peut y trouver son bonheur (paysages, nus, reportages, photographie conceptuelle, mises en scène, portraits, créations sous photoshop...)


lundi 23 mai 2011

CIRCUS de Christian STAUB

J'avais déjà aussi présenté ce livre dans le précédent blog. Mais, le feuilletant, je me suis rendu compte que j'avais plusieurs choses à rajouter.
CIRCUS, voilà un titre très souvent utilisé. Bien pratique.
Dans les années 50, l'édition suisse était fort appréciée pour la qualité de ses impressions. On a ainsi maints albums de grande finesse qu'il est aujourd'hui particulièrement agréable de feuilleter. Ils sont d'ailleurs souvent d'un format équilibré qu'on tient bien en main pour leur taille (23 x 27,5 cm). Et puis, il y a cette mise en page des images de cette époque qui est restée très moderne, à mon sens. Je ne suis pas sûr qu'on ait fait mieux.
CIRCUS, le livre de Christian STAUB (1918-2004), je l'ai sans sa jaquette : ce n'est pas évident pour le reconnaître. Une petite préface de Grock augmente son intérêt (allemand-français).

116 pages, 74 photos, 10 illustrations sur papier coloré de Hanny Fries. Publication en 1955.
Vous pouvez le trouver sur le site d'Abebooks.fr pour moins de 30 €, port compris.




Christian STAUB n'est sans doute pas le photographe suisse le plus connu (*) mais les spécialistes savent qu'il consacra la plus grande partie de sa vie professionnelle à enseigner cette discipline.
Un père vétérinaire lui permet d'être artiste-peintre à Paris. L'arrivée des Allemands en France le ramène en Suisse où il entreprend des études de photographie. Sa rencontre avec Hans Finsler, le chef de file du courant nommé "la nouvelle objectivité" le conduit à devenir enseignant en photographie après la guerre, en Allemagne d'abord, puis aux Etats-Unis (Seattle). Tout en continuant à peindre, dans un courant non-figuratif.






Christian STAUB a publié d'autres livres, parmi lesquels un ouvrage sur le sculpteur Wotruba, un autre sur Bienne. Il semblerait que CIRCUS soit le seul travail conséquent de ce photographe sur le cirque.
(*) Werner Bischof, René Burri, Georg Gerster, René Groebli entre autres, mais ils sont nombreux les photographes suisses renommés.

Ci-dessous une peinture de Christian STAUB.

vendredi 20 mai 2011

BOULEVARD DU CIRQUE N°1

Le premier BOULEVARD DU CIRQUE est maintenant en fabrication. Vous pouvez déjà le feuilleter pour découvrir son contenu... et, éventuellement, le commander rapidement. Je vous ai dit qu'il n'y aura qu'une quarantaine d'exemplaires à votre disposition.
Commençons par tourner ses pages.

Format 21 x 29 cm, 120 pages, 122 photographies noir et blanc. Tirage 50 exemplaires.
Prix 40 € (franco de port) à L'AVENTURE CARTO, 13 rue du château de la garenne, 56410  ETEL, France. Livraison début juin.

Portraits, spectacles et scènes autour du chapiteau vont constituer ces "Boulevards du cirque", lieux de rencontres, d'échanges (pour le photographe !) et de découvertes éventuelles (pour les amateurs).
Ces éditions sont aussi un sens donné aux photographies que je réalise comme traces, preuves et mémoires d'une époque. 
Les techniques numériques utilisées pour la prise de vues et ce type d'édition permettent, comme les revues, de rester assez proche d'une actualité récente (photos prises en 2010 et 2011 pour ce numéro 1), tout en gardant une totale liberté de contenu pour le photographe.
Toutes ces photos existent en couleur. Le choix du monochrome est délibéré : je trouve qu'il fait gagner en intensité les regards et les situations...

Si quelqu'un veut me contacter directement :
yvon.kervinio@orange.fr

mercredi 18 mai 2011

Nicolas AUBRY, photographe dompteur de feux

Vous découvrirez son travail sur le sujet du feu dans Réponses Photo n° 231 (en kiosque actuellement) et sur son site www.nicolasaubry.com où vous verrez qu'il est aussi un portraitiste de talent.
Ce jeune photographe, qui a vraisemblablement "craché le feu", a voulu obtenir les meilleurs effets graphiques avec la matière des flammes en cherchant dans les techniques numériques la solution : prises de vues en RAW, bracketing pour associer des rendus différents et bien sûr gros travail sous photoshop. Le résultat est étonnant. Pour avoir déjà essayé ce genre de prises de vues (mais pas réussi grand chose de bon !), je trouve les sculptures de feu de Nicolas AUBRY formidables. Ah! il dit à un moment faire ses photos au 1/1000e. Voilà peut-être une information utile pour les amateurs de ces prises de vues.




vendredi 13 mai 2011

ANIMAUX & CIE de Nicolas + Cécile GUIBERT

C'est un livre publié par Grasset (novembre 2010) à partir des photos de Nicolas GUILBERT (1958) pour qui l'homme et l'animal est un sujet de travail photographique depuis plus de vingt ans. On sait que l'homme et l'animal entretiennent des rapports "archaïques, tragiques, bouleversants, familiers, ironiques, joyeux, malicieux"... comme l'écrit Cécile GUILBERT, mais "toujours marqués du sceau de la plus extrême altérité"...
Le texte qui présente le sujet est cultivé, sans doute trop puisqu'il me paraît impossible d'en garder le souvenir après l'avoir terminé !
Heureusement, les photos sont plus immédiates et certaines méritent qu'on s'attarde pour en apprécier la composition ou le mouvement. Il manque sans doute un peu plus d'humour :  la couverture nous laisse penser que c'est l'esprit qui pourrait dominer.


Format 22 x 24 cm, 256 pages, plus de 150 photos noir et blanc, 29 €


Le livre contient une dizaine de photos de cirque prises chez Julot, Roger et Ralph Falck, La Piste aux Etoiles, dans l'Ile de Ré, pendant l'été 2009.
Un petit tour sur le site du photographe www.nicolasguilbert.fr est absolument indispensable. Une des galeries nous donne à voir le reportage sur La Piste aux Etoiles : très intéressant (piste sur l'herbe, belles lumières en contre-jour notamment). J'ai trouvé la galerie des portraits particulièrement excellente (expressions, cadrages...). Enfin, il y a beaucoup d'intérêt à feuilleter les publications auxquelles a participé Nicolas GUILBERT, pour la délicatesse et le bon goût des mises en page (c'est un domaine qui attise toujours ma curiosité).

 

jeudi 12 mai 2011

Bruce DAVIDSON, expo CIRCUS

L'ami Christophe Roullin me signale l'exposition CIRCUS de Bruce DAVIDSON (1933) que l'on peut voir actuellement à Paris VIe, à la Galerie Magnum, 13 rue de l'Abbaye (du mardi au samedi de 11 à 19 h.) jusqu'au 18 juin.
Voilà l'occasion de revenir sur le livre publié par Steidl dont j'avais parlé dans le précédent blog.
Ce livre contient 3 reportages de cirque. Le premier est le plus célèbre sur le Beatty-Cole-Hamid Circus (1958), en raison du reportage en profondeur sur le nain Jimmy Armstrong (Little Man).
Mais ce premier reportage contient aussi des images d'ambiance tout à fait passionnantes par leur composition ou leurs lumières crépusculaires.

Le deuxième reportage a été réalisé chez Ringling Brothers and Barnum and Bailey Circus en 1965. Là, les éléphants sont rois.
Le troisième reportage se passe en Irlande, en 1967, au James Duffy and Sons Circus.

Très franchement, et pour la photographie et pour le cirque, un livre à voir et revoir. Pour les ambiances. Avec des prises de vues dans des conditions techniques limites. Quelles facilités aujourd'hui, mais plus la même atmosphère !

Bruce DAVIDSON est entré à Magnum en 1959. D'autres reportages étonnants ont fait sa renommée.
Parmi ceux-ci, je citerai (années 60):
-les manifestations pour les droits civiques
-le gang de Brooklyn
-East 100th Street Harlem New-York


Si mes souvenirs sont exacts, ce reportage sur Harlem a été réalisé à la chambre. Il comporte beaucoup de portraits. A la suite de sa parution, DAVIDSON réalisa d'autres reportages sur les ghettos d'autres villes.

dimanche 8 mai 2011

CLOSE-UP d'Eddie NOVARRO

Close-up, gros plan en français.
Non, il ne s'agit pas de magie rapprochée. Eddie NOVARRO (1925-2003) était un photographe d'origine roumaine dont l'oeuvre portraitiste devint mondiale pour avoir immortalisé plus de 600 célébrités artistiques des années 50-80.
Les Editions Cercle d'Art lui ont consacré un grand ouvrage en 2001 où Pierre Restany raconte NOVARRO et analyse son style.
Picasso en 1964
Il est considéré comme "un chasseur de visages, les visages de ceux qui sont les protagonistes de l'art en train de se faire" écrit Pierre Restany. Au-delà de la superficialité des apparences, il y a sans doute une vérité de l'être : au photographe de faire émerger cette réalité.
Un critique espagnol a écrit sur l'une de ses expos :" L'objectif du photographe est un oeil plus attentif, sensible et pénétrant qui présente un fragment de vérité qui emporte notre adhésion parce que nous le percevons comme un peu plus vrai que nature et donc instantanément authentique".
Il faut croire que les artistes se sont reconnus dans ses portraits car ils lui ont ouvert leurs carnets d'adresses.

Ci-dessous, Alberto Magnelli (1965), Alexander Calder (1958), Marc Chagall (1975)


Juan Acha analyse :" Le visage est l'expression maximale du monde intérieur de l'individu. En refusant l'anecdote, on se concentre sur l'expressivité de cette zone sérieuse qui est la marque de paix du coeur chez l'homme lorsqu'il laisse tomber le masque que lui impose la routine existentielle".

Ci-dessous, Henri Michaux (1977), Andy Warhol (1982), Georges Braque (1961), Foujita (1958)



Le gros plan demande au sujet (le modèle) d'être en pleine acceptation de son propre visage, de ce qu'il est devenu quand on a vieilli. Et c'est loin d'être évident. Les hommes à barbe cachent peut-être des traits indésirables. Les visages féminins sont parfois marqués de manière disgracieuse avec l'âge et les soucis hormonaux... Faut-il retoucher ? Et jusqu'à quel niveau ? Ce sont des questions inévitables que se pose le photographe.
 Pierre Restany (1995)

Je vous signale un magnifique livre, en couleur aussi, sans concession sur le physique (sans retouche) qui nous montre que la beauté et l'intelligence vont bien au-delà de la première apparence physique. Uniquement des gros plans de visages et les mains correspondantes.
Ce livre s'appelle FIGURES D'EUROPE de Jean-Michel VOGE, Editions de La Martinière, 1992.